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Le goût des photographies anciennes en ligne : de la mise en bouche à l’indigestion

1 Laisser un commentaire sur le paragraphe 1 3 Parmi les bouleversements qu’Internet apporte dans les pratiques de l’historienne, la profusion d’images anciennes n’est pas le moindre : plus besoin de faire les brocantes le dimanche ou d’écumer les albums de famille à la recherche de cartes postales ou de photographies privées des terrains d’étude, tout semble disponible sur la Toile, en haute qualité s’il vous plaît ! Dans la pratique, c’est un peu plus compliqué : l’historienne doit jongler entre des sources très éparpillées et rarement bien contextualisées qui impressionnent par leur nombre.

2 Laisser un commentaire sur le paragraphe 2 1 Dans cet article à quatre mains, ou plutôt à deux claviers, nous évoquons le fruit de discussions autour de deux expériences de thèses qui s’appuient en partie sur des photographies anciennes du territoire de Lyon aux XIXe et XXe siècles [1]Damien PETERMANN, L’espace lyonnais représenté à l’usage des voyageurs aux époques moderne et contemporaine, histoire et construction de l’image d’un territoire, 17e-20e … Continue reading. Les photographies disponibles en ligne ne sont pas notre corpus principal ni au centre de nos problématiques de thèse. Nous avons cependant la conviction qu’elles font partie des sources longtemps considérées comme secondaires ou mineures, qui sont de plus en plus amenées à être étudiées pour elles-mêmes par les historiennes[2]Christian Delporte, Laurent Gervereau, Denis Maréchal (dir), Quelle est la place des images en Histoire ?,Nouveau Monde Editions, 2008, 480 p.. L’exploitation de photographies historiques peut ainsi contribuer à suivre l’évolution des territoires et des mémoires de ces territoires, comme le montre, un exemple parmi tant d’autres, la recherche sur les correspondants photographes du journal L’Humanité menée par plusieurs chercheurs de l’université Paris-Est-Marne-la-Vallée.

3 Laisser un commentaire sur le paragraphe 3 0 Notre expérience de ce type de source oscille ainsi entre émerveillement face à leurs potentialités (dont celles ouvertes par les reproductions numériques) et frustrations dans notre pratique quotidienne de chercheur.

Une source historique facilement accessible pour tous les publics

4 Laisser un commentaire sur le paragraphe 4 0 La photographie reste le média le plus immédiatement accessible par un large public. Sur Internet les photos peuvent être aussi une porte d’entrée vers l’histoire, comme le montre la vogue actuelle des montages photographiques avant/après réalisés par des journaux (Le Progrès et sa série “Lyon d’hier à aujourd’hui”) ou des institutions (New York Public Library) à partir de leurs fonds photographiques avec un angle nostalgique. Il existe aussi des projets à finalité patrimoniale comme PhotosNormandie (Le projet et sa FAQ) qui vise à améliorer les légendes, contextualiser et valoriser auprès d’un large public des photos et films de la bataille de Normandie de 1944.

5 Laisser un commentaire sur le paragraphe 5 3 Pour l’historienne, les photographies d’époque sont des sources d’une incroyable richesse, souvent utiles pour saisir la réalité physique du terrain à un moment précis ou donner de précieux indices sur la manière dont certains acteurs (se) représentent leur territoire. La mise en ligne croissante de photographies historiques s’apparente à une petite révolution pour l’historienne, puisque le nombre d’images accessibles est démultiplié, de même que les usages possibles de ces images. Les images avec une définition suffisante permettent de zoomer sur des détails sans avoir à photographier soi-même avec du matériel photo dernier cri, la souplesse du format permet de faire des retouches ou divers travaux de mise en forme, la possibilité d’attacher des métadonnées (données servant à décrire l’image : auteur, date, dimensions, localisation, …) aux fichiers images permet d’intégrer les photos à des Systèmes d’Information Géographique (SIG), de les géolocaliser. La qualité d’une image dépend de ses dimensions (en pixels) et de sa résolution (en pixels par pouce), sans norme vraiment définie. La qualité d’image nécessaire dépend donc de l’usage que l’historienne veut en faire ! En matière de photographie historique, la diversité est la règle : il peut s’agir aussi bien de cartes postales que de photographies produites par les pouvoirs publics, la presse, des photographes amateurs ou des artistes. Par ailleurs, l’investissement croissant de bon nombre d’institutions publiques productrices de photographies dans la mise en ligne de leurs fonds historiques permet de valoriser des sources auparavant méconnues, comme l’exceptionnel fonds de photographies aériennes anciennes de l’Institut Géographique National (depuis 1947). La plupart des images dont nous nous servons pour nos recherches proviennent d’institutions classiques pour l’historienne (archives, bibliothèques, musées…), mais d’autres acteurs mettent aussi en ligne des photographies historiques. Les collectionneurs privés de cartes postales et autres nostalgiques des images anciennes sont très présents sur les réseaux sociaux et peuvent y déposer d’intéressantes trouvailles. Les cartes postales anciennes sont aussi extrêmement nombreuses sur les sites spécialisés dans la vente d’occasion entre particuliers (Ebay, Delcampe, Priceminister…). Souvent, les images ne sont accessibles qu’en dimensions réduites sur Internet, ce qui impose de passer par le service producteur pour demander une image de meilleure qualité : un retour au “goût de l’archive”, quand ce n’est pas le “goût du formulaire papier”…

6 Laisser un commentaire sur le paragraphe 6 0 Internet permet donc aujourd’hui d’accéder à de nombreuses reproductions numériques de documents que l’on n’aura pour certains jamais l’occasion de consulter physiquement. La photographie historique en ligne ouvre largement le champ des possibles tant en termes de nombre d’images disponibles que d’utilisations, mais nos enquêtes nous ont rapidement fait prendre conscience de fortes disparités dans les corpus, les sites ou les classements des photos qui rendent cette masse nouvelle de documents difficile à gérer.

Noyée dans la masse : l’historienne face au déluge de photos

7 Laisser un commentaire sur le paragraphe 7 4 “Commencez par recenser les principales images fixes et animées de votre terrain”, avait judicieusement conseillé l’un de nos directeurs en début de thèse … mais quel vertige ! Si les archives filmées publiques sont conservées par une seule institution (l’Institut National de l’Audiovisuel) très présente en ligne, les photographies historiques sont des ressources éparpillées entre des myriades de collections et de sites web. Même pour des sujets bien circonscrits comme l’histoire de certaines rues ou des principaux monuments de Lyon, le dédale de chemins et l’ivresse du nombre effraient. Rien que sur les sites web d’institutions lyonnaises (bibliothèque municipale, archives municipales, archives départementales et métropolitaines), les cartes postales et autres photographies anciennes sont disponibles par dizaines de milliers ! Cela est d’autant plus vertigineux que la mise en en ligne de photographies anciennes est constante, au fur et à mesure des campagnes de numérisation des institutions publiques et surtout des publications de ces institutions sur les réseaux sociaux. A cela s’ajoutent les images présentes dans des groupes Facebook de collectionneurs (et) nostalgiques comme “Lyon d’autrefois en cartes postales” ou regroupées des sites plus généraux comme Flickr ou Pinterest. Les centres d’archives n’ont plus le monopole sur ces documents en ligne, ce qui peut donner à l’historienne l’impression d’une jungle insondable d’images du passé. Le plus souvent, un système d’indexation par thèmes, dates et lieux est établi et permet de se repérer facilement, comme c’est le cas par exemple sur le site “Photographes en Rhône-Alpes” de la Bibliothèque Municipale de Lyon. L’usage ponctuel des images est ainsi considérablement facilité.  La précision des métadonnées et catégories rend plus commode l’étude quantitative de photographies en ligne pour elles-mêmes : si les métadonnées essentielles (lieu, date, …) sont absentes ou inexactes, cela démultiplie le temps d’édition et de correction pour pouvoir les exploiter. Plutôt embêtant, quand on veut traiter plusieurs milliers d’images … La qualité des métadonnées et des informations de contexte demeure à ce jour très variable d’un site institutionnel à un autre.

8 Laisser un commentaire sur le paragraphe 8 0 Outre les questions de repérage et de récupération des images sur Internet, se pose rapidement pour l’historienne le problème de la gestion de cette masse d’images et de données… sur son ordinateur. En la matière, nos pratiques sont encore loin d’être celles d’historiennes du XXIe siècle : divers dossiers “Photographies” ou “Cartes postales” dans des répertoires thématiques (transports, monuments…) ou catégoriels (vues aériennes, cartes postales, etc) peuplent nos ordinateurs, avec un bon vieux tableau Excel pour inventorier les images les plus importantes avec leur cote. Les logiciels basiques des systèmes d’exploitation (comme Photos pour Windows et Mac ou Shotwell pour Ubuntu) permettent de classer les images et éditer des métadonnées. Sans doute la pratique des historiennes va-t-elle sensiblement évoluer sur ce sujet avec l’utilisation du très prometteur logiciel open-source Tropy, lancé en octobre 2017, qui permet de classer ses photos d’archives et de leur adjoindre des métadonnées pour en faciliter la recherche (parfois, retrouver un fichier sur son ordinateur est un véritable travail de recherche !) et l’exploitation [3]À ce sujet, voir le billet de blog de F. Heimburger sur La Boîte à outils des historiens..

9 Laisser un commentaire sur le paragraphe 9 2 Pour l’instant et à notre connaissance, mis à part les index pour trouver plus facilement des images sur un lieu ou thème précis, il n’existe encore aucun outil qui permette de véritablement accroître la productivité des chercheur•es qui travaillent sur des photographies historiques. Si les logiciels d’OCR (Reconnaissance Automatique de Caractères, qui permet de transformer le texte sur une image en un fichier texte) ont révolutionné l’exploitation de textes numérisés, aucun outil réellement fiable et efficace n’est encore utilisable pour les photographies. Plusieurs projets de deep learning, conçus pour la reconnaissance automatique de formes, lignes ou thèmes par des algorithmes élaborés sont actuellement en cours. C’est le cas du projet Replica du Digital Humanity Laboratory de l’EPFL (Lausanne), qui vise à numériser plus d’un million de photographies d’œuvres d’art en permettant une recherche par des éléments visuels. Parmi d’autres projets de ce type, citons : Meserve-Kunhardt Collection at Yale’s Beinecke Rare Book & Manuscript Library et Nineteenth-Century Newspaper Analytics. On pourrait imaginer appliquer ce principe à des photos historiques, à condition que la définition des images soit suffisamment bonne et que les algorithmes soient adaptés aux images non nativement numériques. Les outils actuels de recherche inversée d’images (à partir d’une image existante, rechercher sa source et d’autres images proches) disponibles sur le web et utilisables par tou•te•s sont encore largement inefficaces en ce qui concerne des photographies historiques numérisées. Démonstration avec un essai d’une recherche inversée d’images sur Google à partir d’une image d’un de nos corpus qui représente le pont de la Guillotière vers 1910 :

10 Laisser un commentaire sur le paragraphe 10 0

11 Laisser un commentaire sur le paragraphe 11 1 Google retrouve que c’est un pont lyonnais, sans doute par la forme, mais ne fait pas la distinction avec le jeu de bridge …Cet outil est surtout utile pour les images actuelles nativement numériques (pour débusquer une fake news en retrouvant la provenance d’une image par exemple), mais s’avère totalement inopérant dans le cadre d’une recherche historique [4]À l’exception des photos anciennes publiées dans différents médias, voir le projet Photos Normandie à ce sujet : https://dejavu.hypotheses.org/1677 et https://dejavu.hypotheses.org/2356.

12 Laisser un commentaire sur le paragraphe 12 1 Finalement, ces divers problèmes de gestion de la masse de photographies disponibles en ligne sont le reflet de problèmes plus généraux d’étude historique des photographies : ces images sont très disparates dans les périodes traitées (par exemple, les cartes postales sont très majoritaires dans les années 1900-1920), les thèmes et lieux représentés, rares sont les séries cohérentes (hormis les photos de transports, dépendant des compagnies). Bref, tout dépend du commanditaire … comme pour les archives papier ! La mise en ligne massive semble n’avoir rien résolu des problèmes fondamentaux de l’étude d’images, qui sont au contraire surmultipliés par le nombre.

Une seule solution, la contextualisation ! (et la sélection ?)

13 Laisser un commentaire sur le paragraphe 13 2 À la frustration du nombre de photos souvent trop élevé pour les capacités de traitement d’un seul humain s’ajoute un sentiment de perte par rapport à un original conservé en dépôts d’archives ou en bibliothèque. Sur la plupart des sites web, beaucoup d’informations manquent, surtout sur les sites non institutionnels : la datation est souvent imprécise (beaucoup de cartes postales sont datées « vers 1900 », “19..” ou « 1890-1910 », faute de mieux), les auteurs sont souvent absents, de même que le contexte de commande de la photo. Plus embêtant, les dimensions des originaux ne sont pas toujours mentionnées et les couleurs peuvent aussi avoir été altérées par la numérisation, problème que l’on retrouve pour toute l’iconographie ancienne numérisée et mise en ligne (enluminure, dessin, peinture, estampe…). Cela renvoie aussi au rapport entre la taille du document visible sur écran et sa taille réelle, ainsi qu’à la distorsion plus ou moins forte mais toujours présente des couleurs par l’écran et sa luminosité.

14 Laisser un commentaire sur le paragraphe 14 1 Le mystère est ce qui donne toute sa saveur à la recherche historique, mais globalement, les outils méthodologiques et pratiques manquent aux chercheures pour enquêter sur ces sources particulières : il n’existe aucune compilation de sites proposant des photographies historiques bien sourcées, pas de guide pour la datation (alors que de nombreux éléments simples permettraient d’améliorer la précision de la datation: modèles des voitures, mobilier urbain, vêtements des personnes, détails architecturaux…), peu d’ouvrages réflexifs sur ces sources (et pour cause !). En la matière, les guides sont le plus souvent … au format papier, comme celui-ci, rédigé principalement pour les amateurs de cartes postales anciennes : Thierry Dehan et Sandrine Sénéchal, Guide de la photographie ancienne, éditions VM, 2008, 159 pages. Signalons tout de même le dossier de formation permanente réalisé en 2012 par l’Institut national du patrimoine : “La carte postale, source et patrimoine” et disponible au format PDF sur le site web de l’INP. Au jeu de la meilleure contextualisation des photos en ligne, l’incontournable Gallica tire encore son épingle du jeu avec des notices détaillées et des mots-clés abondants, facilitant des recherches précises.

15 Laisser un commentaire sur le paragraphe 15 1 Dans ces conditions, l’historienne doit, comme pour tout travail de recherche, procéder à une sélection drastique des photographies constituant son corpus, ce qui l’amène parfois à des choix justifiés par des arguments bassement pratiques : privilégier des séries d’images d’auteurs connus pour mieux maîtriser la contextualisation, restreindre sa recherche à un dépôt d’archives ou un fonds particulier pour rester dans les limites des capacités humaines d’une seule personne, privilégier des images disponibles en HD et téléchargeables… Pour les cartes postales lyonnaises, le choix a été fait de privilégier celui des quatre dépôts de la ville qui présentait la meilleure accessibilité en ligne : tous possèdent des milliers de cartes postales, en ligne ou non, qui se recoupent largement. De même, les œuvres de photographes célèbres sont bien mieux connues que d’autres images mais leur accessibilité est inégale. Si les photos de Robert Doisneau font l’objet d’un important travail de mise en ligne d’inventaires et de certaines séries, une recherche historique sur Willy Ronis conduira à constater l’éparpillement des photos sur le web et l’absence d’institutions qui en garantit la présentation et la contextualisation dans de bonnes conditions.

16 Laisser un commentaire sur le paragraphe 16 1 L’historienne peut aussi renoncer partiellement à exploiter les photographies – c’est notre cas – et se tourner pour le cœur de son corpus vers les archives papier, qui semblent plus faciles à circonscrire (quelle illusion !) et dont la cohérence est apparemment plus évidente. Les photographies redeviennent alors une source comme une autre et la tentation de les utiliser uniquement comme illustration n’est jamais très loin. Partir de l’archive pour aller vers les photographies (ou l’inverse !) est toutefois bien plus simple pour comprendre et utiliser le contexte de production des images. Par exemple, une partie du fonds “Fragile Mémoire” de photographies sur plaques de verre mises en ligne par les Archives Municipales de Lyon provient des archives du Service Municipal de la Voirie, dont une recherche à partir des mots-clés des photos permet de retrouver rapidement plusieurs cartons très éclairants. Dans le quotidien de recherche, c’est bien souvent un humain qui peut montrer le chemin : en l’occurrence ici, l’archiviste concerné, qui évoque ce fonds en ligne après avoir vu sortir quelques dizaines de cartons sur la voirie…

17 Laisser un commentaire sur le paragraphe 17 0 Le conseil humain semble aussi manquer sur les questions de droits de modification et de réutilisation des photographies : là encore, c’est l’image d’une insondable jungle qui vient à l’esprit, parfois assortie d’enjeux financiers et d’une épreuve du feu pour tout phobique administratif.

Le goût des droits d’auteur : faut-il l’aide d’un juriste pour (ré)utiliser les photos anciennes ?

18 Laisser un commentaire sur le paragraphe 18 2 Internet, via la mise en lignes de reproductions numériques des collections patrimoniales, permet donc aux chercheur•es d’accéder à de très nombreuses images à distance, sans avoir besoin de se rendre systématiquement en centre d’archives ou bibliothèque. Cependant, c’est une chose de pouvoir consulter une reproduction numérique et c’en est une autre de pouvoir (ré)utiliser cette même image. On remarque d’abord que l’écrasante majorité des sites web de collections en ligne ne permet pas un téléchargement facile des images. Bien souvent, il n’y a pas de bouton “Télécharger” ou bien le fichier récupéré ne correspond pas à la meilleure résolution possible (dans le pire des cas, l’image est barrée d’un filigrane institutionnel). C’est donc un premier frein pour l’étude, car l’historienne a besoin de télécharger ces images sur son disque dur pour se constituer un corpus numérique, qu’il pourra ensuite analyser. Dans la plupart des cas, pour obtenir un fichier image en haute définition, les chercheur•es doivent contacter l’institution productrice et propriétaire de ces fichiers numérisés et payer une redevance.

19 Laisser un commentaire sur le paragraphe 19 0 Une fois le fichier numérique obtenu d’une manière officielle, l’affaire est loin d’être réglée. Se pose ensuite la question des droits d’auteur liés à chaque image. Les œuvres iconographiques des périodes plus anciennes sont toutes dans le domaine public, mais ce n’est pas le cas de nombreuses photographies et cartes postales réalisées au XXe siècle. Pour respecter la propriété intellectuelle, l’historienne doit donc s’assurer que l’auteur de l’image est décédé depuis plus de 70 ans (pour la France). Si ce n’est pas le cas, il faudra alors obtenir l’autorisation de l’auteur (s’il est encore vivant) ou de ses ayants-droits pour pouvoir reproduire cette image, pour n’importe quel usage, commercial ou non. Dans le cas de Lyon, signalons par exemple que les photographies urbaines de Théo Blanc (1891-1985) et Antoine Demilly (1892-1964) ne sont pas encore dans le domaine public.

20 Laisser un commentaire sur le paragraphe 20 0 On remarque qu’il y a là un fort décalage entre le droit et la pratique : la plupart des images que l’on trouve en ligne sur des sites non institutionnels ou les réseaux sociaux ne respectent en effet pas le droit d’auteur.

21 Laisser un commentaire sur le paragraphe 21 0 L’affaire se complique encore davantage pour les chercheures lorsqu’il est question de réutiliser des photographies anciennes au sein de publications scientifiques. En effet, dans la pratique, les images numériques de documents du domaine public ne peuvent pas être reproduites à volonté et pour tous les usages.

22 Laisser un commentaire sur le paragraphe 22 1 Si certaines institutions patrimoniales ont récemment opté pour des licences ouvertes et la gratuité totale de réutilisation des images numérisées (Archives nationales, Ville de Toulouse, musée de Bretagne et davantage de bibliothèques), elles constituent malheureusement encore des exceptions en France. La personne qui souhaite utiliser une image numérisée dans un article ou une publication scientifique se trouve confronté à un nouveau problème : le caractère commercial ou non de cette réutilisation. A partir du moment où l’ouvrage (ou la revue) est destiné à être vendu, il s’agit d’un usage considéré comme commercial. Ainsi, même si l’on a réussi à obtenir l’image numérique pour l’étudier, on doit, dans la grande majorité des cas, payer une redevance à l’institution qui détient le cliché pour pouvoir l’utiliser dans une publication scientifique. Ce problème qui se posait déjà avec les documents du domaine public numérisés non mis en ligne devient plus complexe pour ceux qui sont désormais accessibles à tous sur le web: pourquoi payer pour utiliser ces images ? Cette différence de condition de réutilisation (licence ouverte ou copyfraud) et les coûts éventuels conduisent parfois l’historienne (lorsque c’est possible) à privilégier un dépôt d’archives plutôt qu’un autre pour utiliser une image disponible en plusieurs versions ou des photographies de lieux connus. Le plus souvent, il s’agit de sites web patrimoniaux étrangers, qui sont moins contraignants et plus ouverts que leurs homologues français. Une des institutions les plus pratiques en la matière est la Bibliothèque du Congrès de Washington, qui a mis en ligne des centaines de milliers de photos anciennes, disponibles en divers formats (dont le format TIFF, en haute résolution, plus de 100 Mo la photo tout de même) et pouvant être réutilisées librement, y compris pour un usage commercial ! Loin de se cantonner aux photographies américaines, les documents concernant la France y sont relativement nombreux : une recherche “Lyon” donne 874 résultats couvrant essentiellement la période 1878-1918., dont près d’une centaine correspondant à notre ville (le reste représentant notamment la gare de Lyon à Paris ou… Lyons, Illinois !).

Pour conclure : un café et l’addition ?

23 Laisser un commentaire sur le paragraphe 23 1 D’après notre expérience, l’accessibilité à des ressources quantitativement plus nombreuses reste le principal bénéfice de la mise en ligne des photographies historiques. On (re)découvre ce type de source à travers les archives en ligne, mais c’est un voyage sur des chemins tortueux à croisements multiples et pour lequel il vaut mieux être bien préparé. Revers de la médaille, l’historienne se retrouve bien souvent perdu dans cette masse et doit alors revenir à l’application des impitoyables méthodes de sélection de corpus et de contextualisation en vigueur pour les archives papier. D’un point de vue législatif et purement administratif, on constate une très grande complexité concernant le statut juridique de chaque image et ses possibilités effectives de réutilisation. Cela questionne aussi le rôle de l’historienne par rapport à ce flot d’images : pourrait-il en devenir un expert, par les méthodes de contextualisation qu’il maîtrise depuis sa plus tendre licence ?

24 Laisser un commentaire sur le paragraphe 24 1 Finalement, la mise en ligne de photographies anciennes numérisées permet d’accéder à distance à des documents du monde entier, mais cela ne remplace pas (encore ?) la consultation du document physique (lorsqu’il est en état d’être consulté) pour en saisir pleinement les potentialités et tous les aspects !

Références

Références
1 Damien PETERMANN, L’espace lyonnais représenté à l’usage des voyageurs aux époques moderne et contemporaine, histoire et construction de l’image d’un territoire, 17e-20e siècles, Thèse de Géographie, Université Jean Moulin Lyon 3. Louis BALDASSERONI, Du macadam au patrimoine, Modernisation de la voirie et conflits d’usages, L’exemple de Lyon, fin XIXe-fin XXe siècles, Thèse d’Histoire, Université Paris-Est-Marne-la-Vallée.
2 Christian Delporte, Laurent Gervereau, Denis Maréchal (dir), Quelle est la place des images en Histoire ?,Nouveau Monde Editions, 2008, 480 p.
3 À ce sujet, voir le billet de blog de F. Heimburger sur La Boîte à outils des historiens.
4 À l’exception des photos anciennes publiées dans différents médias, voir le projet Photos Normandie à ce sujet : https://dejavu.hypotheses.org/1677 et https://dejavu.hypotheses.org/2356

Source :http://gout-numerique.net/table-of-contents/archives-numerisees-la-salle-de-lecture-virtuelle-et-physique/le-gout-des-photographies-anciennes-en-ligne-de-la-mise-en-bouche-a-lindigestion